Les taupes

Charles-Guillaume Sourdille de la Valette

'Éole bravant les assauts,
Un chêne jeune encor, plein de force et de vie,
Seul offrait, au milieu d'une vaste prairie,
L'utile abri de ses rameaux.
Les troupeaux, les bergers, le peuple au doux ramage,
Sous son feuillage respecté,
Rendaient grâce à la main du sage
Qui dans ces lieux l'avait planté.
ssis un jour au pied de l'arbre tutélaire,
Tout à mes méditations,
Je calculais combien de générations
Sous son ombrage séculaire
Pourraient venir se reposer.
out à coup, près de moi, sous terre,
À voix basse j'entends causer :
" Chêne maudit !... Sans lui nous serions fières
" De voir, comme au bon temps, nos seules taupinières
" Dominer tout le plat pays.
" Qui l'a planté ? nos ennemis :
" Il périra ! N'est-ce pas votre avis ?
" Allons, faisons jouer la mine.
" Ma commère, cette racine
" Est votre affaire attaquez-la. "
" De cette autre, que je sens là,
" Vous vous chargez donc, ma voisine ?
" Bientôt nous en aurons raison,
" Foi de Taupe ! ou j'y perds mon nom. "
ite on agit de la dent, de la patte ;
On ronge, on bêche, on mord, on gratte,
En aveugles, sans savoir où.
Et cependant nos mineuses velues
Se gardaient bien, de peur d'être aperçues,
De mettre le nez hors du trou.



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ne autre Taupe, à barbe grise,
Leur dit alors ces mots, que j'entendis fort bien :
" Vous travaillez beaucoup et vous ne faites rien.
" Mes soeurs, abandonnez une folle entreprise.
" Quand cet arbre grandit pour le bonheur commun,
" Seules n'y verrons-nous que péril et dommage ?
" La fraîcheur de ce sol est due à son ombrage ;
" Profitons-en comme chacun. "
vous aussi cette leçon s'adresse,
Ennemis de nos droits,
Taupes d'une autre espèce :
Vous vous fatiguerez peut-être avec le temps
D'user contre le roc vos ongles et vos dents.


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