Le professeur Muzo
a toujours quelque chose à dire

 

Une intéressante découverte
Date : Mer, 20 Fev 2002 16:02:53 GMT+1
De : Lt Col. Muzo <muzo@lrfmmmt.fr>
A : "Keleier a Kermuzo" <kermuzo@aol.com>

Les dernières campagnes de fouilles à Pompei ont mis au jour un document qui retient depuis plusieurs mois l'attention des spécialistes. C'est un petit morceau de parchemin, à peu près rectangulaire, d'environ 10 centimètres de haut sur 6 ou 7 de large. Après avoir subi un traitement destiné à en améliorer la conservation, il a rejoint les collections papyrologiques de la J. Byron Dean Art and Literature Memorial Library, à l'Université de Cheyenne (Illinois), où il porte désormais la cote P. Utop. 1167.

L'utilisation du parchemin est tout à fait exceptionnelle dans le monde romain, à cette époque. Sans doute le fragment provient-il d'un des premiers spécimens de "codices", ces petits carnets de notes dont l'usage commença à se répandre au Ier siècle de notre ère, et qui devaient peu à peu supplanter le rouleau de papyrus pour donner naissance à notre livre moderne. Sous l'action des cendres volcaniques, le texte est devenu pratiquement illisible. A l'oeil nu, on ne distingue de d'infimes traces. Par bonheur, les techniques de "restauration virtuelle" des documents développées depuis une dizaine d'années permettent de remédier à de telles situations. Ces techniques reposent sur des principes analogues àceux qui sont mis en jeu par les logiciels classiques de traitement de l'image (Photoshop et autres), mais sont infiniment plus élaborées ; de plus, elles sont couplées à des systèmes autorisant la prise de vues sous des éclairages particuliers: rayons ultra-violets ou infra-rouges, lumière monochromatique ou polarisée, etc.

P. Utop. 1167

En combinant toutes ces ressources, les paléographes sont parvenus à déchiffrer (à l'exception d'une fâcheuse lacune) le curieux texte qui suit :

Dimitte planctus, Lelia... (Suit une ligne illisible. On distingue peut-être "Tr [...] la [...] a [...] a".) marito dabere.
Elati nato principis sive patricii.
A principe non conducar nec a patricio.
Set Nonum meum haveo captum ergastulo.
Tu Nono isto non eris : iam crucifigetur.
Si cruci Nonum figetis, defigar et ego.
Tunc Nonus curcifixus est una cum Lelia.

Il s'agit apparemment d'un poème, mais qui n'appartient à aucun des genres connus et n'obéit pas au lois de la métrique classique. La facture en est extrêmement rustique, le style fort médiocre; la forme "Lelia" (au lieu de "Laelia" dans la langue classique) est le signe évident d'une origine populaire. En se fondant sur le rythme est très
marqué, certains philologues estiment qu'il pourrait s'agir d'une chanson de soldats.

Voici la traduction établie par le Lieutenant-Colonel Muzo, du laboratoire pour la recherche sur le folklore militaire et le maintien du moral des troupes (Lann-Bihoué).

-- Cesse tes pleurs, Lelia; tu seras donnée en mariage
au fils d'un grand prince ou d'un patricien.
-- Je ne serai pas l'épouse d'un prince ni d'un patricien:
C'est mon (cher) Nonus que je désire, prisonnier dans un cachot.
-- Tu ne seras point à ce Nonus; il va être crucifié.
-- Si vous crucifiez Nonus, que je sois crucifiée aussi.
Alors Nonus fut crucifié, et Lelia avec lui.

Des recherches plus poussées montrent que ces couplets ont très certainement un fondement historique. Dion Cassius (Hist. Rom., XIV, 18) nous apprend en effet que lors de la sanglante répression qui suivit le soulèvement de Spartacus (en 71 avant notre ère), une jeune fille fut crucifiée parmi les rebelles vaincus, contrairement à l'usage qui voulait que les femmes ne subissent pas le supplice de la croix. Le nom de Nonus apparaît plusieurs fois parmi ceux des esclaves entrés en rébellion que mentionnent différentes sources, sans qu'il soit possible d'en savoir plus au sujet de ce ou ces personnages.

A moins d'un nouveau miracle, il est hélas peu probable que d'autres documents resurgissent pour compléter notre information.